Qui n’a jamais repoussé un appel important, une déclaration de chiffre d’affaires ou la rédaction d’un devis en se disant : « Je le ferai demain » ? Lorsque j’accompagne les autoentrepreneurs, souvent la procrastination est une compagne de route bien connue. Elle peut agacer, culpabiliser, voire inquiéter. Mais est-elle forcément un signe de paresse ou d’incompétence ? Pas si sûr.
Quand le cerveau veut… mais que le corps fait autre chose
La procrastination, ce n’est pas « ne rien faire ». C’est plutôt faire mille autres choses… sauf celle qu’il faudrait. Ranger le bureau, répondre à des mails sans urgence, regarder une vidéo « juste pour se détendre ». En réalité, c’est comme si deux parties de nous-mêmes se disputaient le volant : le cerveau rationnel veut agir, mais le corps détourne l’énergie ailleurs.
Le rôle caché de la procrastination
Et si ce mécanisme avait une utilité ? Souvent, la procrastination nous protège. Mais de quoi ? D’un risque d’échec, d’une critique, ou même… de la réussite. Car réussir, c’est aussi devenir visible, et donc exposé au regard des autres. Pour notre inconscient, mieux vaut différer que de risquer le jugement.
Les fantômes du passé
Ce frein ne naît pas de nulle part. Il est fréquemment lié à des expériences passées douloureuses : une remarque humiliante d’un enseignant, un projet professionnel qui s’est soldé par un échec, une situation où agir a fait mal, de la souffrance au travail, du harcèlement… Notre corps enregistre ces traumatismes comme des avertissements : « Attention, agir peut être dangereux. » Résultat : à chaque nouveau défi, il enclenche le mode protection.
Pas de paresse, mais un réflexe
Ce qu’on appelle procrastination est donc rarement de la paresse. C’est un réflexe de survie. Plutôt que de plonger tête baissée dans une action perçue comme risquée, on préfère repousser, gagner du temps, trouver de faux prétextes. Le paradoxe, c’est que cette stratégie qui vise à nous protéger finit par nous empêcher d’avancer.
Procrastination utile ?
Oui, parfois. Remettre une décision peut nous permettre de la mûrir, de vérifier si nous sommes vraiment prêts, de laisser décanter une idée. Dans ce cas, la procrastination agit comme une soupape. Mais quand elle devient chronique, elle peut nourrir la culpabilité et empêche d’avancer.
Comment l’apprivoiser ?
La première étape, c’est de reconnaître que la procrastination n’est pas un ennemi, mais un signal. Elle indique qu’il y a une peur cachée derrière les actions désordonnées.
- Identifier cette peur. Est-ce la peur de mal faire ? De décevoir ? De ne pas être légitime ?
- Découper la tâche. Un gros projet effraie ; des petites étapes deviennent abordables.
- Donner du sens. Relier l’action repoussée à ce qui compte vraiment (liberté, croissance, indépendance).
- Accepter l’imperfection. Mieux vaut un premier pas imparfait qu’une attente éternelle du moment parfait.
Du frein au tremplin
Plutôt que de vivre la procrastination comme une honte, on peut la considérer comme une boussole. Elle pointe nos zones de vulnérabilité, là où nous avons encore à progresser. C’est un frein, certes, mais qui peut devenir un tremplin : en traversant ce blocage, on apprend, on se renforce, et on avance.
Conclusion
Alors, fatalité ou nécessité ? Ni l’un ni l’autre. La procrastination fait partie du chemin de l’entrepreneur. Elle n’est pas là pour nous détruire, mais pour nous protéger. Le tout est de ne pas la laisser diriger notre vie. Car derrière chaque délai se cache une peur… et derrière chaque peur, une opportunité de croissance.